LETTRE I

Le 16 Juin 2530.

Ça-y est, j'ai terminé ma formation de marine. Ce n'est vraiment pas trop tôt ! Deux ans que je suis ici, à suivre les cours du sergent-instructeur Ellis, à me taper les corvées de vaisselle, à suer comme un bœuf lors des entraînements plein air...

En relisant les premières pages de ce vieux journal, maintenant cornées et jaunies, je ne peux pas m'empêcher d'avoir les larmes aux yeux ; repensant à tout ce qui s'est passé ici, entre les murs de cette académie. J'éprouve alors l'envie de consacrer, une fois de plus, de l'encre à mon passé. De réécrire, de réexpliquer, encore une fois, comment tout à commencé...

Je m'appelle Jake Stuart ; je suis né et j'ai grandi sur Eridanus II. Je suis entré à Napo à l'age de quinze ans car je n'étais pas assez bon pour continuer dans des études supérieures. Mon père est musicien : Jouant du piano et du violon. Ma mère, elle, est professeur de lettres dans une grande université. Elle souhaitait dur comme fer que je réussisse mes études et que je puisse m'épanouir dans la vie. Mais moi, à l'époque, je m'en fichais complètement. Cela l'attristait beaucoup ; et la vue de son visage lorsque je ramenais des mauvaises notes du collège reste un terrible souvenir. Toutefois, elle m'aimait. Lorsqu'elle comprit que je n'y arriverais pas à l'école, elle m'inscrivit à l'armée. Je me souviens encore de notre conversation à ce sujet, de précisément tous ces mots, lorsqu'elle m'avait dit : « Tu verras Jake, l'académie militaire Napoléon est l'une des meilleures du pays ! Tu seras bien formé, et puis, lorsque tu auras été diplômé, tu pourras rentrer à la maison ! Car d'ici là les insurgés auront été vaincus et plus aucune menace ne pèsera sur nous. ». Elle n'avait pas tout à fait tort, cela faisait des lustres que nous n'avions pas entendu parler des insurgés...

A l'époque, je ne voulais pas aller à l'académie. Je voulais devenir écrivain. Comme mon grand-père l'avait été avant moi. Lorsque l'on m'envoya là bas, je projetai d'abord de m'évader, ce qui me valut un jour et demi de trou et un sacré mal de crâne. Et puis, avec le temps, je finis par m'y faire, et tout se passa pour le mieux. Je faisais partie d'une unité d'assaut de marines, appelée l'escouade Grower. Au début dix autres personnes étaient avec moi. A la seconde année et à l'issue des tests qualificatifs il n'y en avait plus que trois. Ces trois personnes, c'était mes camarade, mes « frères d'armes » comme disait si bien le sergent Ellis. C'était surtout de sacrés branleurs ! Des personnes que j'ai côtoyé, que j'ai haï, quelques fois ; mais que j'ai surtout aimé. Il-y avait en premier Max, le leader. Il avait fait une formation de trois ans ce qui faisait de lui le plus haut gradé de l'équipe. Il aimait nous aboyer dessus les conseils de nos instructeurs lors des exercices, faisant comme si ces derniers venaient de lui. Je me demande comment il se comportera quand viendra notre première vraie mission. En deuxième position, il-y avait Kyle, le tireur d'élite. Il nous couvrait lors des exercices, maniant son fusil de sniper avec une précision à en couper le souffle. Enfin venait Lou, qui remplissait le rôle de pilote et de tacticienne lors de nos tests. Cela serait sa future vocation, une fois que nous serions sorti de cette académie. Moi, j'étais le médecin de l'équipe. Que ce soit pour soulager une pointe de côté ou soigner un impact de balle, on a toujours besoin d'un médecin ! J'avoue ne pas y avoir cru au début, mais en dépit de mes résultats scolaires, l'examen d'entrée dans cette branche s'était avéré plutôt simple, contre toute attente... Tant mieux : J'avais ainsi remonté l'estime de mes parents à mon égard.

Toutes ces années, tous ces souvenirs, tout se qui s'est passé ici restera gravé dans ma mémoire jusqu'à mon dernier souffle, j'en suis profondément convaincu.

Mais je dois maintenant me tourner vers mon futur, car je m'en mordrais les doigts de laisser passer ma vie, une fois de plus, comme je l'ai fait lors de mes études. L'examen final de médecin militaire confirmé est dans un mois tout pile. Après l'avoir passé, je resterai six mois de plus à la station Sidex, en orbite autour d'Eridanus II, pour peaufiner ma formation et passer le concours de sergent. Enfin, j'essaierai sans doutes d'être affecté à un régiment sur Terre ou autre part dans le système de Sol, car voir la Terre demeure l'un de mes plus grands souhaits, depuis tout petit.